La construction et déconstruction du personnage

Rencontre avec Adrien Binh Doan, sur son expérience dans THE SMELL OF US

Inaugurant une nouvelle série de rencontres avec des acteurs ayant travaillé avec moi, je suis ravie de recevoir virtuellement, Adrien Binh Doan que vous avez pu voir récemment dans The smell of us, le dernier film de Larry Clark sur des adolescents parisiens, skateurs et tombés dans la prostitution. Ce film est profond, avec une certaine poésie du monde 'trash' de la descente dans la drogue et le sexe des jeunes escort boys Parisiens qui se font de l'argent, pas si facile que ça. Mais il porte aussi un regard très dur sur cette jeunesse riche, décadente et désoeuvrée. 

J'étais curieuse de savoir si le rôle de ce jeune garçon escort boy, avait laissé des traces émotionnelles à l'acteur. Je crois en effet que si l'on doit apprendre à construire un personnage, il faut aussi apprendre à le déconstruire pour retrouver un équilibre après le tournage souvent éprouvant.

Voici donc les réponses d'Adrien Binh Doan.

Comment as-tu préparé le personnage?


J'ai travaillé le casting avec ma coach Tiffany Stern. On a travaillé sur la scène en vietnamien. Nous avons vu ensemble les motivations du personnage et les substitutions que je pouvais utiliser pour me nourrir dans l'horreur de ce qui se passe dans la maison du fétichiste. 
Ensuite, avant le tournage, j'ai fait des recherches sur internet sur la prostitution masculine. Pour les autres scènes, je n'ai pas eu beaucoup de temps de préparation car ces scènes m'ont été données au dernier moment. J'ai fait mon maximum pour me concentrer sur la situation et lâcher prise. 


 Comment as-tu vécu être ce personnage?


C'était assez étrange. La frontière entre mon personnage et moi même pendant le tournage était assez floue. J'avais décidé que mon personnage se prostituait parce qu'il essayait de s'intégrer à ces skaters mais qu'en faisant cela il se sentait très sale et dépassait ses limites. En même temps, j'arrivais sur le plateau après des complications entre le réalisateur et les acteurs. j'ai essayé d'utiliser ça dans mon personnage aussi. Je crois que j'étais dans le personnage et en même temps, j'avais peur de ne pas y être suffisamment. Pour m'aider à lâcher prise et à accepter le manque de préparation, je m'étais dit qu'être acteur c'était un peu faire la pute. Evidemment c'est faux, mais sur le coup je crois que ça m'a aidé. 

Comment as-tu vécu la sortie du personnage? Y-a-t-il eu un 'blues de la scène" (résiduel émotionnel après le tournage)?



Juste après le tournage, je suis parti une semaine en vacances avec ma famille, donc ça m'a fait du bien et ça m'a permis de me reposer un peu. Ca m'a permis de sortir du personnage. Toutefois, j'aurais pu me reposer davantage et prendre encore plus de recul. C'est en revenant à Paris que je m'en suis rendu compte. Evidemment l'expérience m'avait changé et m'avait donné davantage de confiance en moi. Puis j'ai eu des problèmes d'argent et c'est là que j'ai eu le blues de la scène. Ce sentiment d'être sale était encore là. Je pense que c'est aussi dû à la façon dont le tournage s'est déroulé. Et puis cette expression que j'avais utilisé au départ pour m'aider - "être acteur c'est un peu faire la pute" - je crois qu'elle était encore vivante également. D'ailleurs, ça me fait du bien de comprendre ça maintenant. 
C'était aussi une grande expérience de travailler avec un réalisateur américain connu. Et c'était difficile ensuite de retourner à des projets plus modestes.


Adrien Binh Doan, est aussi l'auteur du blog Etre acteur dans lequel il partage son expérience d'acteur pour aider les autres.

Pour plus d'info sur comment éviter le 'blues de la scène", et apprendre à entrer et sortir des personnages difficiles pour retrouver son équilibre, vous pouvez consulter le site d'Emmanuelle Chaulet coachingdacteurs, et lire son livre A BALANCING ACT (en anglais).


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